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Dans la langue française, exceptés les anglicismes qui en découlent, un seul mot semble-t-il, contient un attelage de lettres en succession conduisant à "BLOG", aussi par cette simple observation, n'est-il pas difficile de comprendre que je me plais, voire me complais, dans la fréquentation de la langue de Molière. Celle-ci m'a permis, en écrivant L'Enfant trouvé dans un panier, de faire un très beau et long voyage dans le temps et dans l'espace en compagnie de quinze générations et d'en rendre compte en près de 800 pages - dont une cinquantaine de figures en iconographie - renseignées par 450 notes de bas de page. Commissaire divisionnaire honoraire et juge de proximité ayant tout juste achevé mon mandat non renouvelable de sept ans, je vis dans la belle Cité des Ducs de Bretagne, c'est à dire à Nantes, pour être plus accessible à ceux qui ont le droit de ne pas connaître l'histoire de cette ville attachante, de son magnifique château ou de son fier passé industriel naval. Située à l'embouchure de la Loire et aux portes de l'Océan, elle a vu naître, Cambronne, Jules Verne, Aristide Briand et Eric Tabarly qui vous souhaiterait sans doute ici : Bon vent et à Dieu vat !

samedi 12 mai 2012

CANON : (un) ANGE (passe...) ET AUTRES BOULETS.

  








C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleurs soupes entend-on d'ordinaire quand il est opportun de rappeler que la répéti­tion et l’habitude sont un gage de meilleure réussite tout en mettant à l’abri des déconvenues ou des désillusions. La compa­raison est na­tu­relle­ment d’ordre culinaire, même si Joseph Kessel en l’employant dans Les Enfants de la chance en 1934, l’appliquait en termes salés à une activité plutôt salace, où il n’était pas davantage question de cui­sine et d’assaisonnement, mais plus exactement de lubricité. Sous cet acte de foi, l’entendement admet sans doute que les vieilles méthodes font leur preuve parfois mieux que les nouvelles  encore non rodées, mais quand il s’agit de véhiculer la connaissance, il n’y a rien de pire que de « prendre les mêmes et de faire la même chose ». On dit alors que l’in­formation passe en boucle. C’est ainsi qu’à Nantes des his­toriens comme «  Mellinet, Guépin, Verger et Lescadieu éditent pres­qu’en même temps leurs monumentaux ouvrages traitant notam­ment du passé his­torique de la ville. Ils paraissent entre 1836 et 1839, et cu­mu­­lent ainsi à la fois, et le sujet abordé et le moment de leur parution, mais il n’en demeure pas moins que ce n’est pas la redon­dance de l’in­formation qui fait sa crédibilité, mais la diver­sité de ses sources.»* Ici, le contenu de l’ouvrage de l’un ne donne pas de poids sup­plé­mentaire à celui de l’autre et même si un troisième confirme ce qu’a­vancera un quatrième, puisque tous se sont alimentés à la même source de distribution que sont les Archives locales. Probablement, ces érudits n’y sont-ils pour rien, mais cette proximité ne les soutient pas, et peut-être même, les dimi­nue-t-elle par une impression de déjà vu en passant de l’un à l’au­tre. 
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  A une autre époque et dans un genre différent, la mise à l’affiche simul­tanée de deux Guerres des boutons projetées en même temps dans les salles obscures de la première décennie du siècle, a laissé le premier chef d’œuvre éponyme avec son irremplaçable Petit gibus de 1962, loin de toute atteinte, pré­servé qu’il était par les querelles entre deux chapelles très occupées à défendre un pré carré qui n'était même pas le leur, là ou le premier film, par son excellence, ne risquait, en toute hypothèse, pas grand chose : « Si j’au­rais su, j’aurais pô v'nu ! » pour­raient peut-être reprendre, en chœur et à leur compte, nos historiens nantais du début du XIXe siècle. Si en algèbre, moins par moins donne plus, à l'autre bord et dans les autres disciplines, plus par plus donne moins. D’une façon générale, le travers de répétition peut connaître des élar­gis­sements nouveaux et ne pas se limiter au seul fon­dement de l’information ; en effet, lors de sa réception, il peut aussi naître par une approche stéréotypée de son interprétation avant que celle-ci ne soit rediffusée. 
Le pilori
  Du contenu, on passe alors au contenant, c'est-à-dire, de l'exposition de la chose, à sa tentative d’explica­tion ! C’est ainsi qu’outre le cas de Chartres à la fin du XVIe siècle, un même glissement odonymique entraînerait que « la place du Pilori à Nantes devrait son appellation, entre autres éclai­r­cis­sements,[1]  à ce que s’y trouvait le puits de M. Lory ; à Paris aussi[2] et même, à La Ro­chelle ! »** là où il serait telle­ment plus simple « de s’en rapporter au dictionnaire pour observer que le nom de ces agrès de torture vient d’un latin médiéval abou­tissant à la notion plus rassu­rante de pi­lier »*** ; ici, à même constatation, même analyse, même conclusion, alors que la loi du hasard interdit forcément l’existence de ce quadruple lien qui voudrait qu’à l’endroit du puits se soit également trouvé un instrument de supplice qui, par cette proximité, aurait à chaque fois gagné sa dési­gnation grâce à un omniprésent M. Lory, collectionneur de forages à la longévité bien surpre­nante.
Élévation du puits de la Place du
Pilori à Nantes  - Dessin 1721
  















Toutefois, à Nantes, en plein milieu du XVIe siè­cle, les  expositions pu­bliques eu­rent lieu près d’un «Puits-Salé » qui deviendra le « Puy-Lory » de telle sorte qu’on peut se de­mander, ici et à l'inverse, si ce n’est pas le pilori – en imitation de l’exemple parisien qui reste tout autant à démontrer – qui a façonné l’ap­pellation de ce point d'accès à la nappe phréatique, même s’il est pré­cisé, de manière pas très convain­cante, la présence au XVIIe siè­cle, d’une famille portant ce patronyme dans la paroisse. Le nom du puits Lory aurait alors été imaginé, de toute pièce mais en soif – ce qui est ici normal – de logique, comme moyen per­mettant, cul par-dessus tête, de justifier l’origine de l’ap­­pel­lation du « pilori ». En tout cas, la répé­ti­tion ne fait pas l’in­for­mation ; elle ne fait pas non plus la justesse du rai­son­­ne­ment ou de la dé­duc­tion.
Un jardin de curé









Ce qui est vrai pour les grandes choses l’est aussi pour les petites, qui ne le sont pas tant que çà quand il s’agit de défendre un des pi­liers de notre Constitution qui, dans son article deuxième, et avant no­tre drapeau, notre emblème et notre hymne, annonce fièrement que : « La langue de la République est le français.» Dans ce vaste terrain viabilisé et loti par le texte situé tout au sommet de la hiérarchie des nor­mes juridiques na­tionales, se remarque aussi une multitude de petites par­celles cultivées et soumises à un assolement précis et toujours renouvelé ; sur l’une d’en­tre-elles, ressemblant peut-être à un jardin de curé aux soins attentifs, poussent ensemble, les apho­­rismes et les maximes, s'élèvent le long du même tuteur, les proverbes et les sen­tences, croissent en quinconce, les dictons et autres ex­pressions bien senties. Tels d'appétissants primeurs issus du maraîchage, ils font le régal des spécialistes, quand d’au­tres qui n’ont pas leur érudition, les interprètent parfois dans le sens contraire de ce qu’ils énoncent. Ils les cuisinent alors à leur manière, comme lorsqu’il s’agit de « tirer les marrons du feu », de « décimer les troupes » ou de « faire des coupes som­bres ».
Le professeur Vilmos Bardosi, direc­teur à la Faculté des Let­tres de Budapest du Départe­ment d’É­tudes françaises
   Sur ce terrain donc et outre ces dérives populaires re­marq­uées, l’ori­gine des ex­pres­sions, qu’il s’agisse du contexte histo­rique de leur naissance ou de la source étymologique ayant con­duit à leur forma­tion, est par­fois malmenée dans une répétition qui donne une ap­pa­rence faus­se­ment convaincante. Pourtant, celle-ci n’aboutira ja­mais à ce que « la chaus­sure se fasse au pied » comme peut le prétendre le vendeur en mal d’argument devant son cli­ent hésitant. Malheu­reu­sement pour la véracité du propos, l’impact sera encore plus fort lors­que le patron du magasin de chaussures viendra au soutien de son employé faire cho­rus ; il en va de même pour nos expres­sions lorsque l’in­ter­pré­tation vient de sages qu’on tremble de contrarier, soit qu’il s’a­gis­se de som­mités tel le linguiste Alain Rey qui, puisqu’il est fran­çais ne peut pas de tromper, ou d’exégètes comme le professeur Vilmos Bardosi, direc­teur à la Faculté des Let­tres de Budapest du Départe­ment d’É­tudes françaises qui, puisqu’il est étranger, bénéficie du prin­cipe d’ex­ter­ri­torialité. Il a été le grand organisateur en 2010 de la fête célébrée à l’occasion du 235e anniversaire de l’enseignement du fran­çais dans la capitale de la Hon­grie ; rien de moins !
 

        


     
C’est ainsi que, loin des pompes et des fastes d’inauguration, sur un point de détail et parce que ces émérites lin­guistes ont donné leur avis, désormais tout ce qui pense et réfléchit sur l’internet passe par eux pour justifier l’origine d’une expression des plus banales : « Un ange passe… » de ceux qui se manifestent lorsqu’un invité, par un impair, a gelé la conversation où, par une ma­la­dresse oratoire, a figé, chez chacun des convives, la partie du cer­veau où se tient le siège de la parole. « Dès que le silence se fait, les gens le meublent. Quel­qu’un dit : ‘‘Tiens ? Un ange passe !’’ » fera fi­ne­ment remarquer l’hu­mo­­­riste belge Raymond De­vos ; sans doute, le même chérubin, voire le même séraphin, que ce­lui que Jean Cocteau, fatigué d’être mis sur la se­llette à raison de ses mœurs, transformera en Lucifer et fera re­venir deux fois de suite en pro­po­sant après son pre­mier pas­sage remar­qué : « Qu’on l’encule ! » dans une excla­ma­tion, que d’au­cuns affir­ment qu’elle est véridique, et dont on imagine faci­le­ment qu’elle a dû pro­duire sur l’assistance l’effet es­compté par l’étonnant artiste, décidément habité par un talent aux multiples facettes.
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  Rey et Chantreau, dans leur volumineux dictionnaire des expres­sions et locutions, évoquent la source fournie par le savant hongrois qui vient d’ê­tre cité, Vilmos Bardosi, le distingué linguiste contem­porain ; il indique qu’« il s'agirait de la version chrétienne d'une lo­cution latine qui mettait en jeu le dieu Mercure, garant de la discrétion propice au commerce »  et les deux spécialistes français font leur, son interprétation. Le lettré de Budapest est donc allé chercher son expli­cation dans les particu­larités de la panoplie de Mercure, connu chez les Grecs sous le nom de Hermès ; elle se compose, quasi régle­men­tairement, d’un casque ailé et de sandales pareillement, faisant de lui le dieu du commerce et le messager de ses pairs. C’est donc à partir de ces attributs zoomor­phes, et au bénéfice de ces accessoires, que s’o­père le rap­pro­che­ment fait par l’universitaire étran­ger. On ob­ser­vera que le lien est bien ténu et demande, pour être tressé, une bonne dose d’ima­gi­nation. C’est encore en re­mar­quant la dis­cré­tion qui préside habi­tuellement aux tractations commerciales, que le même fait une asso­ciation avec le mu­tisme an­gé­lique in­terrompant la conversation. Au marchand taiseux sur ses combines mercantiles corres­pondrait l’ange de la consécration du si­lence dînatoire ; cet ap­parente­ment un peu lâche est de l'ordre de ceux qui permettent aussi, en toute circons­tance, sans grand frais et de manière très large, de se trouver un « cou­sin à la mode de Breta­gne », autrement dit et à peu de chose près, un parent sous la simple réserve, peu restrictive on l'avait compris, qu’il com­pte au rang de ce que l’humanité recense de représentants. 
Mercure









 Il existe pourtant une explication qui, si elle ne peut pas être mieux prouvée que la précédente, a l’avantage de reposer sur une logique mieux perceptible et sur un fondement plus convaincant, en tout cas, moins accrobatique et pour tout dire, moins tiré par les che­veux. Elle est tout à la fois d’or­dre maritime, militaire et offensif. L’ordre maritime est à re­chercher dans la présence de vaisseaux qu’ils soient marchands, de commerce ou de la Royale ; militaire, par la capacité de certains d’entre eux de pouvoir répondre aux enjeux et objectifs de la guerre ; offensif juste­ment, par la né­cessité de devoir disposer d’armes de des­truction con­tre les navires ennemis qui auraient pour ambition l’abordage du voi­sin en conclusion de trop proches ma­nœuvres de navigation : le ca­non et son boulet. Il est établi que ce der­­nier a fait la démonstration de son efficacité sur les mers depuis la dé­rouillée subie à la fin du XVIe siècle par l’Invincible Armada au large de l’Irlande ; elle sera li­qui­dée par des canons ayant tech­niquement un siècle d’avance sur ceux des autres pays : fa­briqués pour la première fois en sé­rie et avec des boulets de calibre standard, ils ti­re­ront un coup toutes les deux mi­nutes quand les bou­ches à feu espa­gnoles de­vront péni­ble­ment se contenter d’une riposte toutes les dix minutes : un déluge létal dans un rapport avantageux de un à cinq ! 
  

   






Comme le progrès se mesure, curieusement et aussi, aux inno­va­tions trouvées pour anéantir son prochain, l’Homme s’ingéniera en­core à perfectionner ces matériels de mort comme on vient de le voir avec la victoire anglaise par canonnades sur la Flotte de Philippe II qui finira aux terme de cette expédition par être totalement liquidée, à la fois, par le gros temps et des nau­fra­ges, en série et conséquence, sur les côtes irlandaises. La prospérité du boulet de canon passera par une succession d’inventions, ou plus exactement, d’améliorations aboutissant à en diversifier les effets ainsi que le permettra pour le pro­jectile, le passage de la pierre des temps médié­vaux à celui du métal et en l’espèce de la fonte autrefois appelée « fer coulé » : boulet à bran­che, à deux têtes, creux, ensaboté, mes­sa­ger, rouge, roulant et sourd répertorieront les connaisseurs du XIXe siècle dans leurs diction­naires de Marine ou de l’Armée de Terre sans qu’on ne sache trop, pour certains, quelle était précisément leur fonction. D’autres encore étaient appelés boulets ramés et boulet chaînés. Ce sont eux que Mme Élisabeth Veyrat, spécialement interrogée, a bien voulu évoquer en étant particulièrement bien placée pour le faire puisqu’elle a été Com­missaire en 2009 de l’ex­position itinérante qui s’est tenue, entre autre, à Nantes aux Château des ducs de Bretagne : « La Mer pour mé­moire » sur le thème de l’archéologie sous-marine des épaves du littoral atlan­tique.

Ile de Tromelin (1 km2)










« Parmi les projectiles de canon utilisés sous l'Ancien Régime, on trouve en effet des boulets ronds (pour les coques) et des boulets à deux têtes (pour détruire les cordages et démâter le navire ennemi). Parmi ces munitions à deux têtes, certains sont faits comme des hal­tères (deux boules ou hémisphères reliées par une barre de fer), d'au­tres sont reliés par une chaîne, d'autres, enfin, se déplient lors du lan­cer, soit par coulissement, soit par déploie- ment. Le boulet […] qui était présenté dans La Mer pour mémoire était de ce dernier type, il était formé de trois tiers de sphère en plomb, reliés à 3 barres de fer fixées ensemble au bout. Il provient de l'épave du vaisseau Soleil Royal, coulé sur le littoral de Loire-Atlantique en 1759. […] Il était destiné à se déployer en tournant sur lui-même afin de rompre les cor­dages et, à ce titre, sa fonction et le bruit qu'il occasionnait une fois lancé de­vaient être identiques à ceux d'un boulet à chaîne. » Également consulté et appartenant au Groupe de Recherches en Arché­ologie Navale, intervient M. Max Gerout, directeur des opérations pour la 3e Campagne de fouilles sur le minuscule îlot de Tromelin, faisant aujourd'hui partie de l'emprise maritime de la Réunion et situé, parmi les Iles Éparses à, à peine moins loin de Madagascar. L'endroit mérite une attention toute particulière par le fait qu’au milieu du XVIIIe siècle, soixante esclaves naufragés y ont été abandonnés ; huit survivants seront récupérés quinze ans plus tard. « Nous avons retrouvé à Tromelin sur l'épave de l'Utile les têtes en plomb de boulets fléaux » que les Anglais appellent « grapes shot ». Mais pourquoi s'appesantir sur la description de ces curieux engins alors que l’ori­gine du propos, loin de ces considérations exotiques, ne cherche qu'à trouver une explication bourgeoise à l’origine de l’ex­pression ayant en­traîné l’exclamation iconoclaste et même angélorastique de Jean Cocteau ? 
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  http://www.oyeahstudio.com/images/interieur-print/colophon/colophon-interieur-1.pngJustement le colo­phon s’an­nonce au détour de la page : ces projectiles fragmentés ainsi reliés por­taient le nom délicat de « anges ». « Le terme est bien connu dans la marine de l'Ancien régime, Aubin le cite notamment dans son dictionnaire de 1702 et Willaumez en 1831. » poursuit Mme Élisabeth Veyrat. En effet, le premier nommé, Nicolas Aubin, décrit ainsi ces «  boulets à chaîne : Ce sont deux moitiés d'un boulet atta­chées à une petite distance l'une de l'autre, par une chaîne de fer, qui a trois ou quatre pieds de longueur : on en charge un canon, et quand on le tire, l'effet de ces deux boulets est d'autant plus grand, que la chaîne embrasse et coupe ce qu'elle rencontre, de sorte qu'elle désempare un vaisseau en abattant les mâts et coupant les ma­nœu­vres et les voiles. On les nomme aussi anges, parce qu'au dire des ma­telots, ce sont des Anges qui volent de part et d'autre. »
ANGE : "Vitrine artillerie, exposition La Mer pour mémoire,
copyrigth Drassm/Buhez" avec l'amiable autorisation de Mme Elisabeth Veyrat.



  Un ange passe et pour les marins en position de combat sur le pont, quoi de plus naturel, en suspendant toute activité à ce bruit carac­téris­tique, de tenter d'évaluer les risques et, dans la mâture, les dégâts à venir dans le grée­ment de manière à éviter d’être victime de la chute qui pouvait être mortelle d’objets fracassés et de débris dan­ge­reux sur le parcours final desquels il valait mieux ne pas se trouver.  L'alerte vaut bien un instant de silence, à la fois craintif et observateur, avant la reprise des hostilités ! Willaumez, dans son Dictionnaire de ma­rine répertorie le danger : « Anges : Sorte de mitraille en usage au­trefois formée par un boulet coupé en deux, trois ou qua­tre parties enchaînées ensemble pour, en sortant du canon, lorsqu’on combattait de près, couper le plus de manœuvres possibles à l’ennemi. » 
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Dans le prolongement de ces idées, le guide conférencier de l’ex­position nantaise de 2009 y trouvera, tout naturellement oserait-on avan­cer, l’origine de l’expression : « Un ange « passe … » ; elle sera re­prise dans un article du n°46 d’Archéologia sur l’exposition, La Mer pour mémoire, mais le lien étant le même, et après tout ce qui vient d’être dit sur la répétition des sources, il convient de se garder d’en tirer partie pour y revendiquer une confirmation. Plus prudente, Mme Élisabeth Veyrat considère qu’il « Il faudrait faire d'autres recherches, no­tam­ment dans les récits maritimes. »  Avis aux amateurs… mais tout de même ! Est-il déraisonnable de penser, qu'invité à terre à un de ces dîners mondains pour lesquels on se disputait l'uniforme, un fringant officier de La Royale a pu utiliser cette image.  Née dans la fureur des combats navals, il aura pu en expliquer opportunément l'origine, à l'apparition dans la conversation, d'un moment de silence embarrassé et dénoncé par le cliquetis dominant de l'argenterie et de ses couverts ; intervention doublement bien venue pour lui : d'abord, chasser l'intrus en fournissant l'explication comparative, séraphique et marine, donnée à cette présence mal venue ; ensuite, et surtout peut-être, briller comme il convient en société, sous les yeux réjouis de la maîtresse de maison et... de sa fille admirative qui sait que son père pense à « l'établir ». Après çà, Mercure avec son attirail à plumes peut s'attendre à cantonner définitivement dans le Panthéon qui lui tient lieu de nichoir, qu'il n'a probablement jamais quitté, en dépit des incursions terrestres qu'on a bien voulu lui prêter au-dessus des tables silencieuses ; un peu généreusement, ne trouvez-vous pas ?

*L'Enfant trouvé dans un panier, vol.2 CH XXXV page 302.

 **L'Enfant trouvé dans un panier, vol.2 CH XXXV page 301 : [1]. Notice sur les rues de Nantes ; Édouard Pïed, Imprimerie Dugas, 1906 : « Puy Lory... puits qui date de 1516… » ; Guide de l’étranger à Nantes ; Imprimerie de Forest, 1838 : «  Le puits Lory (d’où est venu pilory) fut creusé en 1516. »
***L'Enfant trouvé dans un panier, vol.2 CH XXXV page 302 : [2].  Folklore et curiosités du vieux Paris ; Paul-Yves Sébillot éditions Maisonneuve & Larose, 2002 : « En 1295, c’est un puits appartenant à un bourgeois du nom de Lori… » ; Histoire de Paris - Le Paris pittoresque : « Ce Pilori était situé aux Halles ; en 1295, était un puits appartenant à un bourgeois du nom de Lori et un gibet… »